Que retenir de cette élection présidentielle ?

 

 

 

« La démocratie bourgeoise, tout en constituant un grand progrès historique par rapport au moyen âge, reste toujours, elle ne peut pas ne pas rester telle en régime capitaliste, une démocratie étroite, tronquée, fausse, hypocrite, un paradis pour les riches, un piège et un leurre pour les exploités, pour les pauvres. »

Lénine, La révolution prolétarienne et le rénégat Kautsky

 

 

L’élection de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa n’est pas une surprise, elle était prévue de longue date. La composition de son électorat est également sans surprise: les patrons, les commerçants, les artisans, les cadres supérieurs, les professions libérales, les agriculteurs, les flics, les militaires, ont fait un véritable plébiscite à Sarközy… Tout comme, d’ailleurs, les retraités, ce qui est paradoxal pour un candidat qui se prétendait, par démagogie, le représentant de la « France qui se lève tôt ».

 

A l’inverse, les chômeurs, les ouvriers, les employés, les professions intermédiaires et les jeunes ont majoritairement voté Royal. Il serait d’ailleurs plus exact de dire qu’ils ont voté contre Sarközy et non pas pour Royal, parce que cette élection a été, de fait, un referendum autour de Sarközy et de son programme. En fait, aucun autre candidat prétendument « socialiste » n’aurait fait moins que Royal. On peut même supposer que tout autre candidat PS ne serait-ce qu’un peu moins réactionnaire (dans le discours, s’entend… parce que, dans les faits, ils le sont tous autant) que Royal aurait réussi un meilleur score qu’elle, en persuadant d’aller voter des gens qui ont préféré s’abstenir ou voter blanc ou nul, parce qu’ils estimaient que Royal n’était pas assez à gauche (voire pas à gauche du tout).

 

            Mais, au-delà de ces élections, ce qu’il faut analyser, c’est toute la désinformation qui a eu lieu autour de leur interprétation. Tout a été mis en œuvre par la bourgeoisie et ses merdias pour falsifier le sens de cette élection.

 

            Le premier merdia-mensonge a consisté à nous rebattre les oreilles, des jours durant, avec la soi-disant « participation record », qui serait le signe d’un prétendu « regain civique ». Les citoyens se seraient mis, de nouveau, à adhérer massivement à la religion électorale… Les merdias ont mis en avant, au soir du second tour, le fait que la participation – participation « record », bien sûr – avait été encore plus importante qu’au premier. Ces merdias ont omis de mentionner que, si la participation a augmenté de 0,2 point entre les deux tours (soit 90 000 votants supplémentaires), le nombre de votes blancs ou nuls a été multiplié par 3 (atteignant 1 600 000). Donc, en réalité, le nombre de suffrages exprimés a baissé de un million entre le premier et le second tour. Quant à la prétendue « participation record », toute personne qui prend la peine de regarder elle-même les chiffres plutôt que de croire sur parole la racaille journalistique se rendra compte que la participation au second tour de l’élection présidentielle de 2007 est inférieure à la participation aux seconds tours des présidentielles de 1965, 1974, 1981 et 1988.

 

            Le second merdia-mensonge a consisté à présenter le vote Sarközy comme un vote « ouvrier ». Dans la même veine, certains intellectuels bourgeois ont tenté de répandre l’idée fausse que Sarközy était en tête chez les jeunes. Ces ignobles mensonges ne sont pas désintéressés : il s’agit, pour la bourgeoisie, de préparer le terrain aux contre-réformes à venir, en faisant croire que ce sont ceux qui vont le plus en pâtir qui ont élu Sarközy. Grosso modo, il s’agit de dire : les ouvriers, les jeunes, les exploités, n’ont pas à se plaindre, ils ont voulu ce qui va leur arriver. Ces mensonges ont ceci d’intéressant qu’ils ne se basent sur rien, strictement rien, pas même sur quelque pseudo-enquête trafiquée de tel ou tel institut de sondage aux ordres du patronat. Au contraire, les quelques enquêtes de sociologie électorale réalisées sur le vote du 6 mai amènent à la conclusion qu’un vote de classe contre Sarközy s’est exprimé au second tour de la présidentielle (c’est chez les foyers à revenus modestes que Royal est le plus largement en tête, chez les foyers à revenus élevés que Sarközy est le plus largement en tête, Sarközy a eu 82% des voix des commerçants et artisans, Royal a eu 75% des voix des chômeurs, etcetera). Il est d’autant plus important pour les merdias bourgeois de passer sous silence la dimension de classe du vote contre l’UMP du 6 mai que ce vote s’inscrit dans la lignée d’autres votes de classe : contre l’UMP en 2004 (élections régionales, cantonales, européennes) et contre l’Union Européenne en 2005 (referendum sur le Traité constitutionnel européen).

 

            En fait, sans même se baser sur ces quelques enquêtes, chacun peut constater par lui-même d’où vient le vote Sarközy. Royal est en tête, souvent largement, dans les grands ensembles urbains des grandes villes – où réside la classe ouvrière. Elle réalise de moins bons scores, et est généralement battue par Sarközy, dans les zones pavillonnaires où réside la petite bourgeoisie. Enfin, dans les fiefs de la moyenne et haute bourgeoisie, Sarközy est très largement en tête et, dans bien des endroits, il dépasse les 75 voire les 80%. Sarközy, qui réalise des cartons impressionnants dans les petites villes et les campagnes, est, en revanche, battu dans la plupart des grandes villes: Toulouse, Nantes, Montpellier, Bordeaux, Rennes, Le Havre, Lille, Saint-Étienne, Grenoble, Angers, Brest, Le Mans, Clermont-Ferrand, Amiens, Limoges[1] 

 

            Le Parti dit « socialiste », qui est un parti bourgeois, a fait preuve de loyauté envers la classe sociale dont ses dirigeants sont issus et dont il défend les intérêts. En effet, il s’est bien gardé de dénoncer cette interprétation volontairement erronée des résultats de l’élection présidentielle[2]. En fait, il l’a même relayée, malgré son caractère absolument absurde… parce que, comme l’a fait remarquer Jean-Claude Tardieu dans un éditorial sur son sur site « Lutte de classe », si Sarközy, en plus des voix de la bourgeoisie – petite, moyenne, grande –, avait eu les voix de 60 à 70% du prolétariat, c’est 80% des voix qu’aurait eu le candidat UMP le 6 mai au soir, et non pas 53%. Notons que la bourgeoisie a également pu compter sur le PS pour condamner fermement les mouvements de protestation qui ont suivi la victoire de Sarközy[3], et sur les organisations dites d’ « extrême-gauche » (LCR et JCR, LO, Fraction de LO) pour saboter toute velléité de riposte immédiate à l’élection de ce candidat au programme ouvertement anti-ouvrier.   

 

            Cet évènement a été rendu bien peu compréhensible, également, parce qu’aux diatribes ultra-réactionnaires, chauvines et démagogiques de Sarközy et ses séides sur le thème de la « France éternelle », d’autres ont répondu avec des slogans bien peu dialectiques du genre « honte d’être français ». En fait, il n’y a ni à être fier de vivre dans une pseudo « France éternelle » ni à avoir « honte d’être français » : il y connaître l’histoire de la lutte des classes en France et à en tirer les leçons qui s’imposent pour comprendre l’actualité et combattre efficacement la bourgeoisie.

 

            Toute période « agitée » socialement voire révolutionnaire, si elle ne conduit pas à un passage durable du pouvoir des mains d’une classe sociale à celles d’une autre, entraîne une réaction (au sens politique du terme) de la classe dominante qui se sent menacée – à juste titre, puisqu’elle vient d’échapper, parfois de très peu, à sa destitution. L’histoire de la lutte des classes en France abonde d’exemples allant en ce sens.

 

Suite à la Révolution de Février 1848, qui a abattu la monarchie, la bourgeoisie a été effrayée par la puissance sociale de ce prolétariat, pourtant encore en formation, mais dont la force de frappe était déjà suffisante pour contraindre la classe dominante à proclamer la République et accorder aux ouvriers un certain nombre de libertés. Et l’insurrection de Juin 1848 – qui a abouti au massacre en règle de milliers de prolétaires parisiens – a été sciemment provoquée par le gouvernement afin de mater les ouvriers de la capitale, en les saignant, et de donner aux autres une idée de ce qui les attendait s’ils venaient à être trop revendicatifs. La réaction se fut alors Cavaignac dans un premier temps, Louis-Napoléon Bonaparte ensuite.

           

La Commune de Paris de 1871, premier gouvernement prolétarien de l’Histoire, s’est terminée par l’extermination du prolétariat parisien durant la Semaine Sanglante, puis a été suivie de longues années de gouvernement d’ordre moral et de tentatives (avortées) de restauration monarchiste.

           

Les gigantesques grèves ouvrières avec occupations d’usines de 1936 ont été suivies par la chute du Front Populaire, les accords capitulards de Munich, la défaite de 40, le vote des pleins pouvoirs à Pétain, l’Occupation, Vichy. Rappelons que le slogan du patronat français était, à l’époque, « mieux vaut Pétain/Hitler que le communisme »…

           

Quant à Mai 68, une des plus grandes grèves générales sauvages de l’Histoire, il a été suivi de la manifestation monstre contre la « chienlit » du 30 mai, puis du triomphe électoral des gaullistes.

 

            L’actualité sociale française a, ces dernières années, été marquée par un certain nombre d’évènements importants, bien que d’ampleur et d’intensité variables: les grèves et manifestations contre la « réforme » des retraites en 2003, le mouvement lycéen contre la loi Fillon en 2005, le rejet du Traité constitutionnel européen le 29 Mai 2005, les « émeutes » d’octobre-novembre 2005, le mouvement contre la loi dite pour « l’égalité  des chances » de février à avril 2006 et les émeutes à la gare du Nord du 27-28 mars 2007… Autant d’évènements qui ont effrayé la bourgeoisie qui, par le plébiscite qu’elle a fait à Sarközy à l’élection présidentielle, a « sifflé la fin de la récréation » (pour reprendre la formule du baron Ernest-Antoine Seillière de Laborde, citée dans un des communiqués de Rapaces).

 

La mission qui est confiée à Sarközy est la même que celle qui fut jadis confié à Cavaignac, Thiers et Pétain : mettre au pas les exploités, coûte que coûte. Il n’y a que des abrutis pour croire et affirmer que ce sont les mêmes qui ont pris part aux divers évènements précités et qui, à l’approche des élections, ont soudainement ouvert les yeux sur le Génie du Grand Leader Sarközy, et l’ont porté au pouvoir… Non : en fait, au risque d’énoncer un truisme, la France est un pays suffisamment peuplé pour que des dizaines de milliers, des centaines de milliers, des millions de personnes prennent part à des mouvements plus ou moins consciemment anticapitalistes et que, dans la foulée, près de 19 millions de citoyens portent au pouvoir un homme politique bleu-brun comme Nicolas Sarközy.

 

 

 

Pour une compréhension juste de cette élection et de ses probables conséquences, quelques remarques complémentaires sont nécessaires.

 

·         Aucun des torche-papier, aucun des politicards, aucun des semi-penseurs ayant été invité à dégueuler ses analyses dans l’arène merdiatique suite aux premier et second tours de la présidentielle, n’a jugé bon de faire remarquer que l’abstention était, sauf très rares exceptions, systématiquement supérieure à la moyenne nationale (parfois de 10 points ou plus encore) là où réside la classe ouvrière et systématiquement inférieure à la moyenne nationale là où réside la bourgeoisie[4]. Même si c’est de manière quelque peu déformée et, en tout cas, de manière moins nette que lors d’une grève ou d’une émeute, cette élection présidentielle reflète l’existence d’antagonismes de classe. D’un côté, la bourgeoisie s’est rendue très massivement aux urnes, votant au premier tour pour les divers candidats de droite, plébiscitant celui qui restait (Sarközy) au second. De l’autre, le prolétariat, n’ayant rien à gagner à ces élections, s’est moins déplacé que la bourgeoisie, et a opté pour le « moins pire » des candidats encore en lice au second tour. Il était donc faux d’affirmer, comme l’a fait un des ténors du PS au soir du 22 avril, que, étant donné le taux élevé de participation, la « gauche » n’avait plus de « réserves » de voix en vue du second tour. Au contraire, c’est la droite qui a réalisé un carton plein dès le premier tour, puisque la bourgeoisie s’est déplacée très massivement, et qui n’avait pas de « réserves » de voix pour le second. Mais, dans bon nombre de quartiers ouvriers des grandes villes, l’abstention était de 20%, 25%, 30%... Seulement, pour convaincre les abstentionnistes d’aller voter, il aurait fallu, pour le PS, prouver à ces gens qu’une victoire de Royal leur serait bénéfique …ce que le PS était – ce n’est pas une surprise – parfaitement incapable de faire. Partant de là, il était bien plus simple pour les dirigeants sociaux-traîtres de nier l’existence de cette réserve de voix que de tenter de puiser dedans. Notons enfin que, malgré l’indéniable effet « vote utile » – sur lequel le PS a joué au maximum, en mettant en avant la menace d’un nouveau « 21 avril » –, les trois candidats les plus à gauche (Besancenot, Laguiller, Schivardi) ont obtenu en tout plus de 2 100 000 voix le 22 avril.

 

 

·         Ceux qui, du côté de l’extrême-gauche, voient dans ces élections une « défaite » pour le prolétariat sont, au mieux, des imbéciles. Parce que, implicitement, une telle affirmation revient à reconnaître qu’une victoire de Royal aurait été une victoire pour les exploités et à nier le fait que ces élections étaient, en elles-mêmes, un piège tendu aux exploités. Evidemment, du fait que LO et la LCR ont soutenu Royal et, de surcroît, bien avant le 22 avril au soir, il ne fallait pas compter sur ces organisations pour tenter d’affiner la conscience politique du prolétariat en lui expliquant en quoi Royal ne valait pas mieux que Sarközy. Le vote massif des exploités (s’entend : de ceux qui ont daigné se rendre aux urnes) en faveur de Royal est donc à double tranchant. Il a un aspect positif puisque, malgré une propagande merdiatique gigantesque, sans précédent dans l’histoire du pays, en faveur de Sarközy, ce dernier a été massivement rejeté par ceux qu’il envisage de réduire encore un peu plus en esclavage. Mais ce vote Royal montre en même temps que les exploités n’ont qu’une confiance limitée en leurs propres forces, puisque le bulletin de vote est apparu, à des millions d’entre eux, comme étant la seule arme adéquate pour faire barrage à ce Sarközy tant honni.

 

·         S’il fallait absolument voir quelque part un vote « populaire » en faveur de Sarközy, ce vote  populaire là se trouve dans les petites villes et les campagnes. Ce vote n’est, a priori, guère compréhensible, puisque ces zones sont les moins concernées (voire : ne sont pas du tout concernées) par l’ « insécurité » avec laquelle le flic Sarközy nous rebat les oreilles depuis 5 ans, aidé en cela par des médias dociles car détenus par la bourgeoisie – et, qui plus est, par des « amis » du nouveau président. Le paradoxe n’est qu’apparent : si ces couches populaires là sont si facilement gagnées par le sentiment d’insécurité (car pour le coup, oui, sans sombrer dans un mépris boboïde du pauvre, on peut dire qu’il ne s’agit que d’un sentiment), c’est justement parce que la grande distance qui les sépare du « théâtre des opérations », c’est-à-dire des grandes concentrations urbaines, des grandes villes  – distance qui ne se mesure pas qu’en kilomètres mais aussi et, peut-être, avant tout, en termes de différences de mentalités –, cette grande distance là les rend inaptes à comprendre les raisons des diverses et nombreuses « violences urbaines » qu’il leur a été donné l’occasion de voir ces dernières années, par JT interposé. A l’inverse, dans les grandes villes, dans les concentrations urbaines, ces violences là sont moins effrayantes car vues directement, et non pas à travers le prisme déformant d’un PPDA ou d’un Pujadas. Même si les « émeutiers » d’octobre-novembre 2005 étaient loin, très loin, d’avoir le soutien franc et massif des habitants des quartiers concernés par les troubles, ces habitants n’oubliaient généralement pas les évidentes responsabilités de Sarközy et de ses flics dans le déclenchement des violences. Quant aux nombreuses violences qui ont marqué les manifestations de février-avril 2006 contre la mal nommée « loi pour l’égalité des chances », les responsables en sont là aussi les flics et leurs nombreuses provocations – ainsi que le gouvernement qui, comme on dit dans ces cas-là, a parié sur le « pourrissement » du mouvement. Toute personne habituée à la vie dans les grandes villes sait que celles-ci manient redoutablement bien l’art de faire comme s’il ne s’était rien passé. Et là où, une après-midi ou une soirée, des jeunes aux visages masqués affrontent les forces de l’ordre et édifient des barricades, le lendemain, les passants font du shopping… et les agences d’intérim ont déjà changé leurs vitrines.

 

·         Quoique l’on pense de Léon Trotsky par ailleurs, il faut bien reconnaître que bon nombre de ses considérations sur le fascisme sont encore aujourd’hui d’une utilité certaine pour comprendre le « phénomène » Sarközy. A la lecture de la réflexion suivante de Trotsky, on peut même estimer que, à peine élu, Sarközy est déjà dans une position inconfortable :

 

« Pour l’instant la force principale des fascistes tient à leur nombre. En effet, ils recueillent de nombreuses voix aux élections. Mais le bulletin de vote n’est pas décisif dans la lutte des classes. L’armée principale du fascisme est toujours constituée de la petite bourgeoisie et d’une nouvelle couche moyenne […]. Sur la balance de la statistique électorale, 1000 voix fascistes pèsent aussi lourd que 1000 voix communistes. Mais sur la balance de la lutte révolutionnaire 1000 ouvriers d’une grande entreprise représentent une force cent fois plus grande que celle de 1000 fonctionnaires, employés de ministères, avec leurs femmes et leurs belles-mères. La masse principale des fascistes est composée de poussière humaine. » 

(La clé de la situation internationale est en Allemagne, 26 novembre 1931)

 

 

            … Effectivement, du strict point de vue de l’arithmétique électorale, plus de 18 millions de voix pour Sarkonazi le 6 mai, cela a de quoi impressionner… Mais ce ne sont pas les millions de personnes âgées qui ont voté pour Sarközy qui lui seront d’un grand secours lorsqu’il s’agira pour lui et sa clique de réprimer les prévisibles émeutes de ces prochaines années. En fait, tout comme lorsqu’il était Sinistre de l’intérieur, Sarközy n’aura, aux prochaines émeutes, d’autres possibilités que de faire appel aux chiens de garde habituels : Police Nationale, CRS, BAC, RG… Si l’on y réfléchit, on se rend compte que, dès à présent, la marge de manœuvre de Sarközy est étroite : il a été battu dans la plupart des grandes villes ainsi que dans à peu près toutes les communes ouvrières des banlieues parisienne, lyonnaise, stéphanoise, etcetera. Il est haï de la majorité des chômeurs, des ouvriers, des employés, des jeunes… Ce n’est évidemment pas par amour de la démocratie – fut-elle bourgeoise et clownesque – que Sarkonazi et ses lieutenants ne cessent d’en appeler à l’ « ouverture », à la « responsabilité » de la « gauche » et des « syndicats »… C’est par nécessité que la droite mène cette politique : elle est bien consciente que « la masse principale des sarkozystes est composée de poussière humaine ». La droite ne souhaite pas que se reproduise, par exemple, la situation dangereuse (pour la bourgeoisie, bien sûr) créée par le résultat des européennes de juin 2004 : au soir de ces élections, la France était alors un pays de 61 millions d’habitants dont 58 millions n’avaient pas voté pour l’UMP – parti qui était pourtant au pouvoir depuis deux ans. L’ « extrême-gauche » officielle est bien élevée : elle n’avait alors tiré aucune conséquence pratique de l’absence complète de légitimité du parti au pouvoir après de ce colossal désaveu – qui, de surcroît, venait s’ajouter à d’autres désaveux (les élections régionales et cantonales). Les membres des diverses orgas « trotskystes » – dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles sont bien timorées depuis la victoire de Sarközy – devraient avoir en tête ce jugement du « vieux »[5] : « Tous ceux qui prônent un ‘repli stratégique’, c'est-à-dire la capitulation, tous ceux qui tolèrent une telle propagande sont des traîtres. Les propagandistes du recul devant les fascistes doivent être considérés comme les agents inconscients de l'ennemi dans les rangs du prolétariat. »

 

 

 

 

 



[1] Voir ici un récapitulatif des scores de Sarközy et Royal dans un certain nombre de communes.

 

[2] Alors même que, a priori, cette interprétation dessert largement le PS, puisqu’elle nie le fait que ce parti est largement en tête dans les quartiers ouvriers des grandes villes. Mais les dirigeants sociaux-traîtres les plus lucides n’ignorent pas que le vote ouvrier en faveur de Royal n’était rien de plus qu’un vote de rejet de Sarközy, un vote pour le « moins pire » des candidats encore en lice – et sûrement pas un vote d’adhésion.

 

[3] Voir ce texte traitant des divers mouvements de protestation qui ont suivi la victoire de Sarközy et de la façon dont la « gauche » se positionne par rapport à ces protestations. Il était d’autant plus important pour tous les partis du Système de condamner vigoureusement ces protestations – et, pour la « justice », d’envoyer pourrir en taule pour de long mois les personnes interpellées à l’occasion des contestations de la soirée du 6 mai et des jours suivants – que ces évènements sont sans précédent. C’est en effet la première fois dans l’histoire du pays et, sans doute, dans l’histoire des démocraties bourgeoises, que des dizaines de milliers de personnes protestent suite aux résultats d’une élection, sans pour autant arguer d’éventuelles fraudes ou tricheries. Pour la première fois, au soir d’une élection, c’est la légitimité même de la démocratie bourgeoise qui est niée. Dans le langage formaté et convenu de l’AFP, cela donne ça : « C'est la première fois qu'une victoire présidentielle entraîne, dès la proclamation des résultats, des manifestations d'hostilité. » (AFP, mercredi 9 mai 2007, 20h 07).

 

[4] Voir le récapitulatif des scores de Sarközy et Royal dans un certain nombre de communes.

 

[5] Léon Trotsky.

 

 

 

 

 

 

 

 

à lire :

- Léon de Mattis, « Mort à la démocratie », Altiplano, 2007

 

 

 

 

 

 

 

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