Réflexion sur les fanatiques qui nous gouvernent (et leurs complices)

 

 

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »

                                                            Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, article 35

 

 

 

I

             Le soutien inconditionnel des médias aux ordres du régime, les vaines tentatives de nier la dimension nationale du scrutin, le rejet désespéré de tout lien avec l’UMP et Nicolas Sarkozy  de Nagy-Bocsa par les candidats de droite (exemple : le candidat sarkozyste pour la ville de Rennes, Karim Boudjema, a déclaré impudemment : « Je ne suis pas sarkozyste, je ne revendique pas cette étiquette »), la rétention d’information (retards opportuns dans la communication des résultats, soi-disant à cause d’une panne informatique), les fraudes électorales et la manipulation des résultats (classement à droite des maires sans étiquette) n’auront pas suffi à masquer cette évidence : l’UMP  vient de subir une défaite d’une ampleur sans précédent. Les candidats de l’Union pour une Minorité de Privilégiés sont battus dans presque toutes les grandes villes : Paris, Lyon, Toulouse, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Rennes, Reims, Lille, Saint-Étienne, Grenoble, Angers, Dijon, Brest, Le Mans… Sans surprise, c’est dans les quartiers populaires de ces villes que les scores de l’UMP sont les plus mauvais. La vaste majorité des communes ouvrières a également désavoué dans les urnes le parti au pouvoir*.  La droite s’incline à Caen – qu’elle détenait depuis un demi-siècle – et à Metz où elle régnait depuis 160 ans. Xavier Darcos s’avère incapable de conserver Périgueux, idem avec Amiens pour Gilles de Robien. Les symboles de l’ « ouverture » (à quoi ?) ne s’en sortent guère mieux: la secrétaire d’État Rama Yade est ridiculisée à Colombes tandis qu’Yves Urieta (« La démocratie, c’est des élus qui décident. »), con social-démocrate rallié à l’UMP, connaît le même sort à Pau.

 

 

II

Les dirigeants des partis de gauche se sont gardés de tout triomphalisme après ces élections municipales car ils savent que les électeurs se sont tournés vers leurs candidats – sociaux démocrates et, dans une moindre mesure, staliniens – dans le seul et unique but de sanctionner le parti au pouvoir: « [Les] exploités […] n’utilisent plus qu’électoralement la gauche, quand ils votent, avec toujours moins d’illusions et dans la stratégie de manier tous les outils dont ils disposent, y compris les moins fiables, pour retarder la construction de la catastrophe, le temps que se forge l’organisation révolutionnaire dont ils ont besoin » (Rapaces, Ode impromptue au tocsin prolétarien, août 2005).

 

 

III

             Depuis des années, une part importante du discours dominant porte sur le thème des « réformes », voire de « LA réforme ». Certains médias sarkollabos  ont ainsi affirmé que ces élections seraient un premier test pour le gouvernement et qu’elles permettraient d’évaluer sa capacité à « réformer la France » avec le soutien de l’ « opinion publique ».  Dans leur langage orwellien, les mesures de destruction de tous les acquis sociaux et démocratiques issus des luttes populaires d’hier sont des « réformes ». Le but d’une réforme étant  d’apporter des améliorations (cf. le dictionnaire), c’est plutôt de  contre-réformes  que doivent parler tous ceux qui se refusent à utiliser le langage du Système, lorsqu’ils évoquent les lois scélérates concoctées par Sarkozy et sa coterie.

 

 

IV

             Les exploités ne pouvaient pas plus sortir vainqueurs de ces élections que de toutes les précédentes. Le choix qu’ils avaient à opérer était vicié dès le départ puisque, certes, une victoire de la droite aurait conforté le gouvernement dans son souhait de poursuivre les contre-réformes, mais qu’il était également prévisible que les ténors de l’UMP interprètent leur échec électoral comme la preuve que les masses sont mécontentes parce que les prétendues réformes  ne vont pas assez vite et pas assez loin.

 

 

V

             Une partie du prolétariat a choisi de voter, généralement sans rien en attendre, pour les listes de gauche – joignant ses voix à celles de pans entiers de cette petite bourgeoisie qui avait plébiscité Sarkozy aux présidentielles,  mais qui commence à déchanter  – tandis que l’autre, refusant de cautionner l’imposture électorale, s’est abstenue. Dans les quartiers populaires des grandes villes et dans les communes ouvrières, le taux d’abstention est systématiquement supérieur à la moyenne nationale, elle-même exceptionnellement élevée (34,80% des inscrits sur les listes électorales ne sont pas allés voter à l’occasion du second tour).

 

 

VI

L’attitude qu’a adoptée la clique sarkozyenne suite à sa défaite confirme qu’elle nage en plein délire : « Il faut tirer les enseignements de la victoire de la gauche et passer à la vitesse supérieure [...]. Nous avons deux ans devant nous sans élection locale pour mener à un très bon rythme les réformes » (François Fillon, Premier ministre), « La leçon qui est donnée au gouvernement c’est d’aller plus vite et plus loin » (Éric Woerth, ministre du Budget) «Les Français nous disent de continuer les réformes. […] Le président a annoncé avant les élections ce qu'il ferait. Le rythme est accéléré(Rachida Dati, ministre de la « justice » et représentante de commerce pour Dior), « Je plaide pour [la] poursuite [des réformes], pour leur poursuite hardie, pour leur intensification » (Xavier Darcos, ministre de la Déséducation Nationale), « Plus loin, plus vite, plus fort » (Brice Hortefeux, ministre de la rafle et du drapeau). Assurément, il y a du cynisme dans ces déclarations, mais il y aussi de l’aveuglement idéologique. Ces millionnaires qui ne connaissent de la France que sa bourgeoisie et qui n’ont aucun scrupule à dépenser l’équivalent de 10 années de SMIC pour un trajet en jet privé ont peut-être fini par accorder foi à leurs propres duperies. L’habituel mépris des élites pour les classes populaires aidant, il n’est pas à exclure que certains hommes politiques sarkozystes estiment sérieusement que leur impopularité s’explique par le fait que leurs contre-réformes ne sont ni assez nombreuses ni assez audacieuses… bref, par le fait que les masses ne les trouvent pas suffisamment à droite. Une chose, en tout cas, est certaine : les illuminés qui nous gouvernent ne s’arrêteront pas d’eux-mêmes : tant qu’ils ne seront pas empêchés, ils iront toujours plus loin

 

 

VII

             Dans la foulée de la défaite de l’UMP aux municipales, des sondages mensongers – n’est-ce pas un pléonasme ? – se sont empressés de  confirmer que les citoyens français étaient massivement favorables à la continuation des contre-réformes. Ces sondages flattent sans doute les maîtres, mais ils ne trompent personne. Les instituts de sondages appartiennent au patronat : leur rôle est de le servir en lui fournissant de prétendues  enquêtes d’opinion attestant de sa  légitimité  à mener une politique de casse sociale Il est possible de se faire une juste idée du rejet massif de Sarkozy en songeant au fait que les grotesques sondeurs, malgré toute la servilité qu'on leur connaît – ils ne sont pas plus affranchis de l’État bourgeois que l’étaient les statisticiens soviétiques de la dictature stalinienne – n'arrivent plus guère à lui dénicher que 34% de popularité chez les employés, 32% chez les ouvriers, 27% chez les jeunes.

 

 

VIII

Plus personne, hormis dans les beaux quartiers, ne croit à la propagande (rebaptisée pédagogie en novlangue) des médias sarkollabos. Par crainte de voir les exploités se lancer à son assaut, le Pouvoir cherche à étouffer dans l’œuf toute contestation et se montre sous un jour sans cesse plus autoritaire.  La spectaculaire opération commando effectuée par 1500 flics dont des cow-boys du RAID à Villiers-le-Bel était un avertissement clair aux ennemis du Système ; le sénile Le Pen ne s’y est pas trompé et l’a approuvé résolument, en établissant un parallèle – pertinent – avec la guerre d’Indochine. Les condamnations prononcées contre des étudiants, des cheminots, des agents de la RATP et d’autres personnes ayant pris part aux grèves cet automne s’inscrivent elles aussi dans cette optique de dissuasion des exploités. Enfin, rappelons-nous que, durant la campagne pour les présidentielles, Sarkozy avait cité abondamment Jaurès, Blum et Thorez (comme si les deux derniers n’avaient pas servi, en leur temps, de béquilles à la bourgeoisie! Soit le conseiller en communication de Sarkozy nous prend tous pour des idiots, soit il est inculte) et, dans un élan de démagogie, promis aux ouvriers l’arrêt des délocalisations. Ce faisant, il espérait se donner une image « sociale ». L’opération n’a  pas rencontré un franc succès, puisque seule une minorité d’ouvriers a voté pour lui le 6 mai 2007. Et les affirmations du président selon lesquelles il ne pouvait pas « vider des caisses déjà vides » (à cause du « paquet fiscal » en faveur de la bourgeoisie, peut-être?) ainsi que les violentes interventions policières contre les salariés en lutte de Carrefour Grand Littoral (Marseille) et de Lenoir et Mernier-LCAB (Bogny-sur-Meuse) ont achevé de dévoiler la nature de classe du sarkozysme. La classe dominante est à ce point paniquée qu'elle recourt maintenant à la répression policière voire judiciaire contre des professions – marins-pêcheurs, avocats, agriculteurs – qui, jusque là, pouvaient exprimer leur mécontentement dans l'indifférence relative des autorités. Ces dernières étaient disposées à tolérer ces protestations parce que ces professions ne sont pas cataloguées « de gauche » – avec toute la charge symbolique dont cette étiquette est (encore!) porteuse. De plus, les gouvernants étaient d'autant plus enclins à s'accommoder de ces revendications que, eut égard à leur caractère essentiellement corporatistes, un effet « tâche d'huile » était improbable. La donne est désormais différente: une partie de la mafia UMP semble avoir compris qu'à l'heure où le pouvoir d'achat des salariés baisse fortement (n'en déplaise aux ardents propagandistes de l'INSEE, qui affirment qu'il augmente), des grèves, manifestations et actions diverses visant à obtenir une baisse du prix du gazole sont susceptibles de rencontrer un large écho auprès de la population.

 

 

IX

La majorité des exploités rejette la politique menée depuis la dernière présidentielle. Mais, en matière d’application littérale du programme du MERDEF, il ne s’agissait jusqu’à présent que de l’entrée. Le plat principal que le chef cuisinier Sarkozy s’apprête à nous servir comprend : des suppressions de postes massives dans le secteur public, la fermeture de bureaux de poste, le flicage croissant des chômeurs, la poursuite des privatisations (EDF notamment), de nouvelles attaques contre les retraites (passage à 41 ans de cotisation, puis 42, 43…), l’augmentation des divers impôts frappant les classes populaires et la baisse de ceux touchant (effleurant) le patronat et la bourgeoisie, la fin de la garantie de l’emploi pour les fonctionnaires, la remise en cause du droit de grève (via l’extension du « service minimum ») et celle de la laïcité, un renforcement de la présence impérialiste française en Afghanistan…

 

 

X

            Toute riposte des exploités à l’offensive menée par la bourgeoisie est vouée à l’échec si elle s’opère sous la direction des syndicats. Au sujet de ces derniers, Anton Pannekoek écrivait il y a une soixantaine d’années : « [ils] sont maintenant des organisations géantes, dont la place est reconnue dans la société. Leur position est réglementée par la loi et les accords qu’ils passent reçoivent force légale pour toute une industrie. Leurs chefs aspirent à faire partie du pouvoir qui détermine les conditions de travail. Ils forment l’appareil grâce auquel le capitalisme monopoliste impose ses conditions à la classe ouvrière tout entière. (Les Conseils Ouvriers) »  Cette analyse n’a rien perdu de sa validité : les syndicats sont plus que jamais un rouage du système capitaliste ; et les Thibault, Chérèque, Mailly et consorts sont bien plus liés à la classe dominante qu’à leur « base »  – qu’ils craignent comme la peste. Il faudrait moins de temps pour tuer un réformiste à coup de bulletin de vote que pour convaincre ces bureaucrates corrompus d’appeler à la grève générale illimitée. Ces derniers mois, les syndicats ont démontré une énième fois à quel point ils constituaient un bouclier efficace pour la bourgeoisie : en sabotant la lutte des cheminots contre la destruction de leur régime de retraites (annonce par la CGT, premier syndicat à la SNCF, de l’ouverture de  négociations  le  jour même où débutait la grève reconductible) et celle des salariés de Carrefour Grand Littoral pour obtenir une augmentation du montant des tickets restaurant (refus d’étendre la grève à d’autres grandes surfaces et front commun CGT-CFDT-FO-MEDEF-TF1-Police en faveur de la reprise du travail). Dans l'enseignement, les ports autonomes, les impôts, les syndicats s'escriment actuellement à éviter des grèves reconductibles ou, à défaut d'y parvenir, font leur possible pour les circonscrire au niveau local.

 

 

XI

            Il n’y a rien à attendre non plus de la Ligue dite communiste révolutionnaire, de Lutte Ouvrière et du Parti des Travailleurs. Ces organisations ne sont que l’extrême-gauche du capitalisme. Elles servent à « canaliser la colère des masses et notamment des jeunes » (selon les propres termes d'un militant L. “C. ” “R.”, sur le forum dit « des Marxistes Révolutionnaires »). A l’occasion de la récente campagne électorale, elles n’ont pas hésité à faire liste commune avec des candidats de la gauche gouvernementale qui prônaient le renforcement de la présence policière dans les quartiers populaires, le développement de la vidéosurveillance ou encore le versement d'aides... au patronat.  Souhaitant obtenir les faveurs du parti dit socialiste et du parti dit communiste, elles se sont abstenues de toute critique à leur encontre et, pire, elles ont souvent été jusqu’à en faire les louanges. Les dirigeants et militants de ces organisations ont plus d’illusions au sujet des partis de gauche que le prolétariat dont – chose amusante – ils osent parfois se prétendre l’avant-garde. De plus, cette extrême-gauche appointée par l’État prend bien soin de ne jamais incriminer les syndicats. Cela n’a rien d’étonnant, lorsque l’on sait les liens existants entre le PT et FO, la L. “C. ” “R.” et SUD ou LO et la CGT. Mais cette manière éhontée de couvrir les trahisons des syndicats en dit long sur l’inféodation au capitalisme de ces trois partis politiques (pour reprendre les termes d’Otto Rühle évoquant le PC allemand en 1920 : ils font de l’opposition au lieu de faire la révolution, marchandent au lieu d’agir et bavardent au lieu de lutter). Cette obstination à voir dans les syndicats des outils à la disposition des exploités dans la lutte contre le Système est d'autant plus ridicule que les dirigeants syndicaux eux-mêmes ne prennent plus la peine de nier leur rôle de jaunes. Dans un récent entretien au Monde, Chérèque déclarait ainsi: « Avec ce texte [sur les 35 heures], le gouvernement nous amène à réagir simultanément sur le temps de travail et les retraites. Cela nous entraîne dans une mobilisation globalisante, ce contre quoi j'ai toujours résisté y compris dans la CFDT. [...] Je me demande comment, demain, je pourrai faire croire à mes militants qu'en signant un accord, on a la parole et la garantie du gouvernement qu'il respectera notre signature. »

 

 

XII

Depuis la période Reagan-Thatcher-Mitterrand, la bourgeoisie n’évite la banqueroute qu’en revenant progressivement sur tous les acquis sociaux que ses sujets lui avaient arraché durant les 150 années précédentes.  La classe dominante est maintenant en zone rouge : pour survivre, il lui faut intensifier ses politiques de redistribution à l’envers (prendre aux pauvres pour donner aux riches), mais les résistances croissantes auxquelles elle est confrontée lui compliquent singulièrement la tâche. Cette fois-ci, toutes les polices de gauche –  des racailles syndicales aux organisations sous-trotskystes –  ne suffiront pas à lui épargner les désagréments d’un affrontement ouvert avec les exploités. La période de confrontations qui s’ouvre devant nous sera l’occasion ou jamais d’envoyer les idolâtres de la contre-réforme dans les poubelles de l’Histoire car, comme l’a compris Theodore Kaczynski, « nous devons détruire le système pendant qu’il est malade. Si nous acceptons des compromis et le laissons recouvrer la santé, il nous dépossédera inévitablement de toute notre liberté » (La société industrielle et son avenir).

 

             

 

 

 

 

* Pour ne citer que quelques exemples – avec, entre parenthèses, le taux de participation au second tour (en rouge s’il est inférieur à la moyenne nationale : 65,20%) –, la droite est défaite à: Saint-Denis (41,91%), Bobigny (46,37%), Montreuil (54,62%), L’Ile-Saint-Denis (64,29%), Villetaneuse (50,11%), Saint-Ouen (55,48%), La Courneuve (54,06%), Pantin (54,63%), Pierrefitte-sur-Seine (50,21%), Bagnolet (49,65%), Aubervilliers (50,26%), Stains  (43,71%), Clichy-sous-Bois (44,94%), Aulnay-sous-Bois (59,11%), Villejuif (49,75%), Vitry-sur-Seine (33,74%), Ivry-sur-Seine  (49,72%), Villiers-le-Bel (48,62%), Argenteuil (58,73%), Sarcelles  (44,78%), Grigny (48,47%), Gennevilliers (52,03%), Bagneux (54,24%), Trappes (46,72%), Villeurbanne (46,70%), Vénissieux (48,25%), Vaulx-en-Velin (44,00%), Fontaine (53,97%), Firminy (72,72%), La Ricamarie (61,08%), Maubeuge (57,36%), Armentières (56,39%), Roubaix (40,18%), Tourcoing  (46,12%), Lens  (50,73%), Noeux-les-Mines (62,54%), Avion  (52,60%), Charleville-Mézières (56,16%), Sedan (57,56%), Le Creusot  (62,39%)…

 

 

 

 

 

Annexe :

·         Fraudes électorales aux municipales… mais pas seulement ! (do)

 

 

 

 

 


 

 

index