« Le Français est plus que tout autre le dépossédé, le misérable. Sa haine de l’étranger se fond avec sa haine de soi comme étranger. [...] Nous en sommes arrivés à ce point de privation où la seule façon de se sentir Français est de pester contre les immigrés, contre ceux qui sont plus visiblement des étrangers comme moi. Les immigrés tiennent dans ce pays une curieuse position de souveraineté : s’ils n’étaient pas là, les Français n’existeraient peut-être plus. »

                                                                                    comité invisible, L’insurrection qui vient

 

Votre débat sur l’identité nationale, il pue…

Et nous allons vous expliquer pourquoi.

Parce que la nation française est, comme toutes les autres, une pure construction sociale. C’est le nationalisme qui a créé les nations, pas l’inverse.

Parce que « nos-ancêtres-les-gaulois » est un gros canular… qui a la vie dure. Les aïeux des 65 millions de personnes qui habitent aujourd’hui ce pays étaient tout sauf gaulois.

Parce que les apôtres de l’identité nationale française n’ont même pas lu l’auteur (pourtant sacrément réactionnaire) dont ils se réclament le plus : Ernest Renan. Ce dernier affirmait : « L’oubli, et je dirais même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la formation d’une nation. »

Parce que ce débat est l’occasion pour Sarkozy de proférer d’énormes contre-vérités. Il a ainsi déclaré : « Rien n’est moins dangereux pour la démocratie et pour la liberté que la République fut-elle une et indivisible. Depuis deux siècles à part l’expérience sanglante de la Terreur nul totalitarisme n’a menacé nos libertés. C’est que la culture française est irréductible au totalitarisme. » Le nazisme n’était-il pas un totalitarisme qui « a menacé nos libertés » ? N’a-t-il pas causé la mort de centaines de milliers de personnes, en France, sous l’Occupation ? Le Président de la République serait-il fâché avec l’Histoire ?

Parce que tout ce vacarme politico-médiatique autour de l’identité nationale a pour but principal de permettre à l’UMP de récupérer les voix du FN aux élections (piège à cons) de mars prochain.

Parce que le site www.debatidentitenationale.fr , mis en place par le gouvernement, est un véritable musée des horreurs. S’y côtoient pêle-mêle propos racistes, apologies de la colonisation ou de la monarchie et discours hallucinés sur le thème du « sang français ». Notons au passage que plus le Français se dit « de souche », moins il sait écrire correctement « sa » langue.

Parce que c’est la crise économique et que la bourgeoisie veut nous faire oublier que son système capitaliste en est la cause unique. C’est pourquoi elle accentue encore la stigmatisation des populations issues des « minorités visibles »  (Noirs, Arabes…).

Parce que,  en matière de xénophobie, la gauche a largement préparé le terrain à la droite. Personne n’a obligé le « socialiste » Guy Mollet à défendre l’Algérie française ou Mitterrand à construire les premiers centres de rétention administrative. Quant au P « C » F, plus chauvin que lui, tu meurs.

Parce que les syndicats collabos apportent eux aussi leur contribution à la défense de l’identité nationale. La CGT et la CFDT n’ont même pas eu besoin de recourir aux forces de l’ordre pour mettre fin à l’occupation de leurs locaux par des sans-papiers : leurs bureaucrates à gros bras (et petites cervelles) ont parfaitement fait l’affaire.

Parce que notre « identité » n’est pas nationale mais prolétarienne et révolutionnaire. Nous nous moquons de toutes les frontières. Nous nous sentirons toujours infiniment plus proches d’un ouvrier en grève, même s’il vit à Pékin, que d’un entrepreneur dynamique, même si c’est notre voisin.

Parce que c’est la guerre, et que nous ne serons jamais du même côté de la barricade qu’un Éric Besson, un Jean-Marie Le Pen ou une Marie-Ségolène Royal.

Pour toutes ces raisons, et pour de nombreuses autres, votre débat sur l’identité nationale, il pue…  

…Et nous n’y prendrons pas part !

 

 

à lire :

- Rosa Luxemburg, Fragment sur la guerre, la question nationale et la révolution

- Eric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780

- Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales, Europe XVIIIe-XXe siècle

 

 

 

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