Les années de forte croissance économique nous avaient fait
oublier l’existence d’une classe sociale qui anima les romans naturalistes du
XIX°s, le lumpenprolétariat.
L’expression est de K. Marx qui analysa le rôle et l’identité sociale de ce «
prolétariat en guenilles » (ou racaille). Pour le philosophe allemand, la
partie la plus pauvre du prolétariat, celle coupée durablement du monde du
travail et celle survivant dans l’économie illégale constituait à la fois une
conséquence du grand capitalisme et aussi un groupe social utile à la
perpétuation des privilèges de la bourgeoisie. En effet, le concubinage
surprenant entre puissants et voyous eu toujours pas mal de succès dans
l’histoire. Dans toutes les périodes de crise où les élites se sentent
menacées, leur réflexe fut de pactiser plus ou moins ouvertement avec les
éléments les plus marginaux et les plus violents de la société.
1. Une alliance contre-nature
Les inégalités développent des cultures de ghettos.
Quand le capitalisme se développe il fait éclater les modes de vie
traditionnels et dissout la vieille morale issue des terroirs. Ainsi, sans les
entraves de la charité et de la morale judéo-chrétienne, les plus riches sont
amenés à l’être de plus en plus et emploient leur influence économique pour
manipuler le pouvoir politique chargé de garantir aux riches des revenus sans
cesse en augmentation. Rien de surprenant dans une économie basée sur
l’accumulation.
A l’autre bout de la société le même capitalisme génère des quantités énormes
de déclassés, de gens coupés de leur milieu social d’origine et aussi déracinés
de leurs espaces familiaux. C’est ainsi que les bidonvilles se peuplent de
dizaines de milliers de gens dont les repères n’existent plus vraiment et où
délinquance et déviances sociales prospèrent dans ces situations où le passé
est mort et où l’avenir est bouché.
Les grands bourgeois d’hier et d’aujourd’hui ne rencontrent jamais les plus
exclus. Ils vivent dans un monde bien à eux où ils ne craignent pas plus la
grande criminalité que la petite délinquance. Encadrés par des gens à leur
service, gardés par des vigiles, les oligarques voient le lumpenprolétariat
comme une population volontiers exotique, délicieusement effrayante et
aucunement menaçante pour leurs intérêts. En effet, voyous, jeunes casseurs,
islamistes célibataires et autres nomades cherchent très souvent à mimer de
façons pitoyables et grotesques les moeurs des puissants (filles faciles,
grosses voitures, vêtements de marque…). C’est une histoire aussi vieille que
les empires !
Qui suivi en priorité Hitler dans ses premiers délires racistes ? Généralement
des Allemands traumatisés par la défaite de 1918, sans culture politique et
sans repères moraux. Ils furent mille fois plus nombreux quand le chômage de
masse généralisa les déclassés.
Les exemples de ces confluences inattendues sont très nombreux : ainsi
Pour cela, ils salarient littéralement les bandits de grands chemins qui
rackettent les paysans moyens ou petits. Ruinés par la délinquance de ces
voyous (milices colombiennes ou maffias…), les paysans modestes n’ont pas
d’autres choix que de vendre leurs terres à bas prix aux latifundiaires. Au
début du XX°s l’Italie généralisa cette alliance pour détruire le mouvement
ouvrier. Les premières troupes de choc du fascisme des années 20 s’inscrivirent
dans cette alliance des plus marginaux et des plus riches : les possédants
payaient le parti mussolinien afin que les chemises noires liquident les
organisations de gauche.
De même les mafieux américains pactisèrent avec le milieu marseillais afin de
s’en prendre au syndicat CGT des dockers dans les années 50.
De manière générale tout gouvernement face à une mobilisation sociale, utilise
l’action de « casseurs » anonymes et masqués pour briser et discréditer une manifestation.
Pour le XIX°s les exemples ne manquent pas de sous-prolétaires stipendiés par
la bourgeoisie pour servir de porte-flingue aux puissants contre les révoltés
politisés.
2. Le même ennemi : le bien commun
Le lumpenprolétariat et les oligarques partagent étonnamment une même vision du
monde : certitude que seule la violence paie, mépris des petits propriétaires,
rejet du travail, goût de l’exploitation des autres… Ils considèrent que les
lois sont faites pour les autres (la classe moyenne) et que rien ne saurait les
empêcher de s’imposer et de s’enrichir.
Privilégiés et exclus communient dans la haine implacable du bien commun et de
tout changement social. Grands bourgeois et proxénètes sont des conservateurs
nés, ils se sont motivés que par la perpétuation de leurs prébendes et ne
veulent surtout pas que des agents de l’Etat viennent s’occuper de leurs
petites affaires. Ainsi les marginaux des deux extrêmes de l’économie sont-ils
foncièrement hostiles aux mouvements politiques proposant une redistribution
des richesses. En effet, un rééquilibrage économique en faveur du monde du
travail impliquerait nécessairement que les mafieux de toutes sortes renoncent
à leurs business et se mettent à travailler. Héritiers de fortunes démentielles
ou hommes de main ont la même crainte : devoir renoncer à leurs activités
parasitaires. On se souvient comment le mouvement étudiant de 1995 se dissipa
suite à une nuit de violences dans l’université de Jussieu. Violences que la
police se garda bien de limiter…
3. Sarkozy, racailles : les deux faces de l’ultralibéralisme
Autre épisode fameux de cette alliance anti-populaire : les manifestations
lycéennes du mois de mars 2005. Manipulés par le PS et ses satellites, le «
mouvement lycéen » se rue alors dans des manifestations qui discréditent le
ministre Fillon. Alors que les interventions policières passent très mal dans
l’opinion, l’action de centaines de casseurs dans lors de la manifestation du 8
mars arrive à point nommé pour éteindre la combativité des jeunes. Là aussi la
police restera totalement statique devant des scènes d’une rare violence.
Epouvantés les jeunes cesseront toute action.
Ce type de répression est utile à plus d’un titre aux oligarques : devant la
violence « aveugle » des casseurs la masse des petits bourgeois fait bloc avec
le gouvernement et verse même dans la xénophobie.
Les violences en banlieues procèdent de la même structure : si les
élucubrations de Sarkozy ont déclenché l’incendie, les seules vraies victimes
de ces actions destructrices sont bel et bien les travailleurs et les classes
moyennes, sûrement pas les électeurs de Neuilly du prince de Lilliput.
En forçant les braves citoyens légitimement révoltés à soutenir de vils
politiciens ambitieux comme Sarkozy, les actions des casseurs du
lumpenprolétariat tombent à point nommé et traduisent une américanisation des
mœurs politiques françaises. En effet, la droite dure américaine a toujours
fait son beurre sur la délinquance des grandes villes américaines, délinquance
qui est la conséquence logique des « Noirs » et sûrement pas du système
économique…
Revendiquant une violence dans les rapports économiques, exploitant
financièrement la pauvreté et la faiblesse des autres, les électeurs de Sarkozy
comme les voyous de banlieues ne sont que les hommes de main impitoyables et
vulgaires du libéralisme le plus vil, celui qui vient des Etats-Unis et qui
nous est imposé par l’Europe.
source : Que faire