« Non
seulement la violence franchement nihiliste de ces sections d’assaut de
la barbarie n’est pas un danger pour la domination, non seulement elle lui sert
de repoussoir pour justifier sa propre violence, mais elle est un modèle
d’adaptation aux conditions nouvelles où la survie passera de plus en plus par
l’extermination, et où une sécurité précaire ne sera achetée qu’au prix du
reniement de toute autonomie individuelle. »
Jaime
Semprun, L’abîme se repeuple
« Sauvageons »
a dit le Président d’honneur du MRC, « sections d’assaut de la
barbarie » pour un ancien rédacteur de l’Encyclopédie des nuisances, « kapos
du nouveau camp de concentration général urbanistique politico-social français
[…] ce que
L’attitude des social-démocraties, depuis longtemps au service du Système, n’a rien de surprenant. Par contre, celle de la gauche à prétentions (théoriquement) révolutionnaires est plus difficilement explicable : quel sens peut bien avoir la revendication d’une société sans classes ni Etat si, dans le même temps, l’on s’accommode parfaitement du fait qu’une minorité d’abrutis adeptes de la violence gratuite humilie et tourmente la population ?
Marx, au milieu du XIXè siècle, pouvait déjà dire de la racaille (qui a l’époque était « en haillons » et non en fringues de marque) que « ses conditions de vie la feraient incliner à se laisser acheter pour favoriser des manœuvres réactionnaires »[2]. Aujourd’hui, rares sont les anticapitalistes qui suivent Marx sur ce terrain là [3]… Ce qui est regrettable car la remarque de Marx prend tout son sens lorsque l’on songe aux racailles qui ont tabassé des lycéens manifestant contre la loi Fillon [4]. Leurs agissements ont été passés sous silence ou présentés comme une revanche légitime sur les crimes du colonialisme français ou encore comme le reflet d’un malaise social, mais ceux qui se disent d’extrême-gauche se sont souvent refusés à voir l’évidence : les hordes fascisantes qui se sont livrées à des ratonnades anti-blancs agissaient en chiens de garde du Système. On s’égarerait en imaginant quelles auraient été les réactions de l’extrême-gauche si, lors de ces mêmes manifestations, des centaines de skinheads néo-nazis s’en étaient pris aux lycéens présumés non aryens. Mais voilà, trop fréquemment, l’analyse en terme de lutte des classes s’arrête là où commence le politiquement incorrect.
Par ailleurs, le terme de « casseurs » a été couramment utilisé par les medias bourgeois pour désigner ces jeunes : quelle imposture ! Le « casseur » désignait habituellement l’estimable individu (anar, gauchiste…) qui à juste titre s’en prenait à tous les symboles du capitalisme ; mais lorsque des individus cassent…du manifestant, et brisent par là même le mouvement lycéen, c’est d’ « auxiliaires de l’Etat » que l’on doit parler, non de « casseurs » [5]!
Même si elles sont souvent
issues des classes populaires, les racailles méprisent plus que tout les prolétaires (que ces derniers soient Français
ou immigrés, jeunes ou âgés). Leur idéal étant de s’enrichir par tous les
moyens, elles sont parfaitement à l’aise dans l’actuel Système, et il n’y
aucune chance de les voir un jour s’attaquer au capitalisme. Alain Tizon et
François Lonchampt remarquent avec pertinence que ces «inutiles
violents […] n'ont jamais
rien remis en cause dans un monde dont on oublie souvent qu'ils partagent les valeurs essentielles
(la loi du plus fort, la concurrence, l'agressivité, la réussite...) » [6].
Il ne faut pas non plus compter sur les « émeutes » auxquelles les
sections d’assaut de la barbarie prennent part pour détruire (ni même
égratigner) le Système, car « les émeutes sont marketables et
doivent même être encouragées »[7].
Une fallacieuse propagande tente de faire croire que la flicaille et la
racaille sont ennemies l’une de l’autre.
Cette propagande est relayée au-delà du clivage gauche/droite, à la différence
près que la gauche semble généralement neutre ou favorable aux
sauvageons alors que la droite paraît
plutôt prendre parti pour les forces de l’ordre. Tout ceci n’a qu’un
rapport extrêmement lointain avec la réalité : en effet, il arrive que
flics et jeunes délinquants fascisants s’opposent ponctuellement (notamment
sur la question de savoir qui doit, à tel ou tel endroit, assurer le contrôle
et l’exploitation des classes populaires), mais ils sont d’accord sur
l’essentiel : le bien-fondé du système capitaliste, que les uns comme les
autres défendront férocement chaque fois qu’il le faudra.
Lorsque Sarkozy décide d’une
importante intervention à laquelle participent plusieurs dizaines de membres du
RAID dans la cité des 4000 à
Jacques Méric, directeur
départemental de la sécurité publique de
[1] Le phénomène n’est
certes pas tabou pour les divers partis de droite et d’extrême-droite, mais il
est abordé avec une gigantesque duplicité. Dans les discours destinés aux
masses, les violences de la vermine sont mises en avant pour justifier
l’augmentation du budget de la police et de la justice, les lois liberticides…
mais, plus ou moins discrètement, l’on se réjouit des « réflexes
identitaires » (c’est-à-dire communautaristes voire racistes) dont savent
faire preuve les racailles.
[2] Karl Marx, Le
manifeste du Parti communiste.
[3] Avec raison,
Jean-Claude Michéa n’hésite pas : voir sa longue annotation sur «
[4] Il n’est toutefois pas
question d’enjoliver ce mouvement lycéen sous prétexte qu’il a été pris pour
cible conjointement par les racailles et la flicaille. La répression qui
s’est abattu spécifiquement sur ce mouvement paraît disproportionnée au regard
du degré de politisation qui était le sien… Cela laisse augurer de ce qui nous
attend si, a fortiori, une véritable force révolutionnaire venait à se
constituer. Parmi les défauts du mouvement lycéen, citons : une servilité, par endroits, à l’égard de
syndicats notoirement liés à la social-démocratie, des revendications
quelquefois niaises (le maintien des TPE au motif qu’ils seraient
« divertissants » !), une relative incapacité à faire le
rapprochement entre la loi Fillon et la dictature européiste, un manichéisme
bon teint plaçant la lutte contre ladite loi dans le sillage de celle, pour le
pouvoir, entre l’UMP et le PS.
[5] Dans Marianne n°
413 (semaine du 19 au 25 mars 2005), Frédéric Ploquin est plus honnête
lorsqu’il affirme que « les manifestations lycéennes de ces dernières
semaines ont vu émerger un nouveau profil de ‘casseurs’, qui n’ont pas
grand chose à voir avec leur aînés ». Autres remarques pertinentes
dans le même article : « Le ‘casseur’ version 2005 est jeune,
en général mineur. […] Il se distingue par son uniforme, pantalon ample, sweat
à capuche, baskets, qui sont les signes extérieurs de sa tribu. Il se prend au
sérieux, mise sur la peur qu’il inspire aux autres et parvient facilement à se
convaincre que la vraie vie ressemble aux clips de 50 Cent, légende vivante du
gangsta-rap nord-américain, ce rap dont les héros sont de grands criminels
doublés de fieffés mysogines. […] Courageux mais pas téméraire, il ne s’en
prend plus aux vitrines des magasins, ni aux symboles du capitalisme, à la
différence de ceux qui l’ont précédé. Il s’attaque aux plus vulnérables, afin
de s’approprier un bien dont il pourra tirer un profit immédiat.[…]Il peut se targuer d’avoir traumatisé des milliers de
lycéens de la région parisienne, aux premières loges de cette razzia des temps
modernes, le 8 mars dernier. Au point que plusieurs milliers d’entre eux ont
décidé de sécher la manif suivante. Au point, pis encore, que Lou, une jeune
métisse franco-camerounaise, avoue avoir, pour la première fois, eu ‘honte
de [sa] couleur’.»
[6] François Lonchampt,
Alain Tizon, Votre révolution n’est pas la mienne.
[7] Observation faite par
Gilles Châtelet dans un excellent essai : Vivre et penser comme des
porcs, De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés.
[8] Voir l’article
de L. Mouloud paru dans l’Humanité du 23 juin 2005.
Annexes :
http://rapaces.zone-mondiale.org/pages/comm3.htm
http://rapaces.zone-mondiale.org/pages/comm8.htm
Le rôle politique de la racaille