Révolution ou sarkozysme

 

 

 

« Connaître l’ennemi, connaître ses ressources, ses forces et ses faiblesses, c’est ce que requiert toute lutte. C’est la condition primordiale, la seule, qui nous permette d’éviter le découragement, lorsque nous mesurons les forces de l’ennemi, et toute illusion, lorsque nous avons remporté un succès partiel.»

                                                                                     Anton Pannekoek, Les Conseils Ouvriers

 

 

 

 

 

 

A maintenant dix mois du premier tour des élections présidentielles [1], un homme politique fait figure de favori: Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa - plus couramment appelé Nicolas Sarkozy. De fait, l’actuel ministre de l’Intérieur bénéficie d’un soutien qui semble à même de lui rendre la victoire plus aisée au printemps 2007 : celui de la quasi-totalité des medias bourgeois. Analysons donc en détail la politique de Sarkozy, ainsi que ses projets.

 

 

La méthode Sarkozy : diviser pour mieux exploiter

 

            Pour exposer succinctement ce qui motive la politique de Sarkozy, nous pourrions affirmer, en paraphrasant Marx, que le ministre de l’Intérieur cherche à décomposer le monde des hommes en un monde d’individus atomistiques, hostiles les uns aux autres [2].

            Sarkozy a effectivement beaucoup œuvré, ces dernières années, à la propagation du fléau communautariste [3]. Et l’on ferait erreur en interprétant l’action de Sarkozy en ce domaine comme le résultat d’un caprice de tyran : il faut plutôt y voir une nécessité pour la classe sociale dont il est le représentant - la bourgeoisie. Cette dernière a parfaitement compris que les exploités ne constituent pas un sérieux danger pour elle lorsqu’ils s’opposent les uns aux autres pour des raisons ayant trait à leur nationalité, leur ethnie, leur religion (réelle ou supposée), et cætera. En défenseur zélé des intérêts de la bourgeoisie, Sarkozy s’attache donc à accroître coûte que coûte les communautarismes.

            Dans cette optique, Sarkozy fait en sorte qu’on assiste, en France, à un retour des délires religieux [4]. Ce retour en force des religions/sectes en tous genres était, hélas, une réalité avant même que Sarkozy ne devienne ministre de l’Intérieur, mais Sarkozy a tout fait pour amplifier le phénomène. D’ailleurs, il ne s’en cache guère : il a,   par exemple, affirmé, le 19 septembre 2005, être « le ministre de l’Intérieur qui s’est le plus senti ministre des Cultes ».

           

            On en apprend plus sur le positionnement pro sectes de Sarkozy à la lecture d’un entretien sur ce thème qu’il a donné en 2004 [5]. Il s’agit pour Sarkozy de s’en prendre à ce qu’il reste de laïcité en France. Il affirme avoir « toujours cru dans la nécessité du CFCM [6] et de la présence de l’UOIF [7] au sein de cette instance ». Sarkozy révèle également ses intentions lorsqu’il déclare que « maintenant que les lieux de cultes officiels et publics sont si absents de nos banlieues, on mesure combien cet apport spirituel a pu être un facteur d’apaisement » [8].  En vérité, Sarkozy feint de l’ignorer mais, des années 1920 aux années 1980, le véritable « facteur d’apaisement » des banlieues françaises n’a pas été la religion, mais le PCF (et il l’est encore localement aujourd’hui, là où il détient des municipalités). Ce rappel historique effectué, revenons à la signification politique de la déclaration de Sarkozy : celui-ci veut s’assurer, en ancrant solidement la religion dans les quartiers populaires, à coup de subventions et autre, que les exploités n’auront pas la velléité de ne pas se conduire en esclaves. En somme, Sarkozy, agissant au nom de la bourgeoisie française, tient à ce que les habitants des quartiers populaires ne soient rien d’autre que de la chair à patron bien obéissante - et un moyen simple d’y parvenir est de faire jouer à l’islam le rôle dévolu durant plus d’un demi-siècle au stalinisme. Malheureusement, le pari est loin d’être insensé, surtout si l’on a à l’esprit ce fait qu’en arabe « islam » signifie « soumission », « résignation »…

 

            Le sionisme - qui a amplement contribué à l’expansion du fascisme vert (celui-ci étant perçu, partiellement à tort, comme une idéologie de résistance à Israël) – bénéficie également des bonnes grâces de Nicolas Sarkozy [9]. Sous couvert d’ « engagement aux côtés de la nation juive » [10], le ministre de l’Intérieur ne manque effectivement aucune occasion d’afficher son soutien au sionisme : discours prononcé, à Washington, devant des membres de l’American Jewish Committee (avril 2004) [11], visite en Israël (décembre 2004), rencontre avec deux responsables de la police israélienne venus lui donner des conseils en matière de répression (décembre 2005 – assurément, dans ce domaine, personne ne doute des compétences desdits responsables), courbettes devant le président du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) Roger Cukierman [12] , refus de mettre fin aux agissements du Betar et de la mal nommée « Ligue de Défense Juive » [13], et cætera. Au demeurant, les raisons de l’admiration de Sarkozy pour l’Etat sioniste sont limpides : Israël est un pays gangrené par la religion et le communautarisme [14] ; en outre, il est extrêmement inégalitaire.

 

            Soutien au fascisme vert, au sionisme… ce ne sont là que deux exemples. Sarkozy est également plein de bonne volonté envers le catholicisme [15], la scientologie [16] et bien d’autres sectes. Dans son entreprise de balkanisation de la France, Sarkozy est contraint d’avoir recours à des concepts pour le moins insolites. Bien sûr, il croit voir des « communautés » partout : « communauté homosexuelle » [17], « communauté catholique » [18] ... Mais il ne s’en tient pas là : il perçoit également des « musulmans athées (sic)» [19] et considère que « quand on est musulman, ça se lit sur sa figure » [20] ! Sarkozy a bien du mal à dissimuler sa haine de la laïcité et de la République [21]. Il va jusqu’à blâmer la France, ce « pays qui a fait le choix il y a deux siècles d’inscrire le mot égalité au  frontispice de tous ses établissements publics » [22]! Ceci est caractéristique du double discours dont Sarkozy est coutumier : lui qui affirme le plus sérieusement du monde que « si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter » (© Philippe de Villiers), brûle d’envie de jeter définitivement aux orties l’ « égalité » qu’évoque la devise nationale française! Un homme politique à ce point réactionnaire paraissait prédisposé à se faire le laquais de la dictature théocratique et bureaucratique européiste.

 

 

 

 

 

Le credo sarkozyste : maintenir la France sous le joug de la dictature européiste

 

            S’il est élu, Sarkozy tentera de laver promptement l’affront qu’ont fait subir les classes populaires françaises à la dictature européiste, lors du referendum de mai 2005 ayant trait au TCE. Rappelons-nous qu’alors, malgré une prodigieuse propagande en faveur du oui – propagande que l’on aurait, à la rigueur, pu imaginer en Union Soviétique vers la fin des années 30, mais pas dans la France contemporaine, généralement considérée comme « démocratique »… sans doute par des individus pas trop regardants - le non l’avait emporté avec plus de 54% des suffrages (environ 80% chez les ouvriers ayant pris part au vote).          

            Certes, le président de l’UMP s’est relativement peu impliqué dans la campagne en faveur du TCE, mais cela s’explique par des rivalités internes à son parti [23], et non pas par un quelconque manque d’enthousiasme de Sarkozy à l’idée de servir sans réserve la dictature européiste. Déjà, en 1992 - soit à un moment « où une majorité d’électeurs et de militants gaullistes étaient pour le non », précise-t-il [24] - Sarkozy était favorable au oui lors du referendum sur le traité de Maastricht. Ce qu’il faut dire, et ce que l’actuel ministre de l’Intérieur et ancien député européen nous explique, c’est qu’un parlementaire qui passe deux jours à Strasbourg empochera 450 euros au titre de remboursement de frais de présence dans la capitale alsacienne [25]. L’européisme, vu sous cet angle, a de quoi être attractif…

           

 

 

 

            Le 29 Mai est une date importante dans la résistance des peuples à la dictature européiste car, pour la première fois, l’opposition (les bureaucrates européistes préfèreraient sans doute dire : les archaïsmes, les conservatismes ou, pourquoi pas, les viscosités) vient d’une grande puissance. Lorsqu’il s’agissait des Danois ou des Irlandais, les européistes pouvaient passer outre : après tout, c’est bien connu, ces hordes antédiluviennes nations-là sont bien trop primitives ont une tradition européenne insuffisante pour comprendre les véritables enjeux liés aux traités qu’on leur ordonne propose de ratifier. Mais, du fait du rejet français, la dictature européiste est actuellement dans une impasse. Pourtant, ce n’est pas parce qu’elle a été désavouée dans les urnes qu’elle envisage d’arrêter ses méfaits - et ce que souhaite précisément Sarkozy, c’est de lui permettre de les continuer, de les accroître.

            En cas de victoire de Sarkozy en 2007, plusieurs scénarios s’offrent à lui pour faire retrouver son « rythme de croisière » à la machine à détruire les nations, les conquêtes sociales et la laïcité qu’est l’Union Européenne. Cet européiste forcené nous fera peut-être revoter sur le même texte (scénario peu probable, car la probabilité d’un second vote négatif est forte). Il peut également, après avoir obtenu quelques dérisoires modifications (qui ne changeraient rien à la nature intrinsèquement réactionnaire du texte), le soumettre à referendum, en prenant soin de présenter le nouveau texte comme très différent du premier. Vu son mépris pour le peuple, Sarkozy optera sans doute pour une ratification du TCE par le Parlement, où l’on peut compter sur les prétendus représentants de la Nation pour approuver cet ignoble texte à 90%. Enfin, un autre scénario n’est pas à exclure : la dictature européiste pourrait choisir de faire comme si les nations européennes avaient déjà disparu, en organisant un vote simultané dans les 25 pays qu’elle a asservis. Cette procédure présente un avantage aux yeux des européistes : elle « dilue » les effets des votes négatifs. Ainsi, 1, 3, 5, 10 ou, pourquoi pas, 13 pays (c’est-à-dire plus de la moitié) pourraient rejeter le TCE, sans empêcher pour autant qu’il rentre en application, puisque seul compterait le résultat du scrutin à l’échelon de l’Union Européenne.

           

            Pour s’assurer de la docilité des exploités, Sarkozy est prêt à tout : favoriser l’implantation des religions/sectes dans les quartiers populaires, organiser la balkanisation de la France, lutter contre la République,  soutenir la dictature européiste… La liste serait  incomplète si l’on  n’évoquait pas ce secret de Polichinelle : l’alliance du ministre de l’Intérieur avec les racailles 

 

 

 

 

 

Nicolas Sarkozy, la première racaille de France

 

            Les racailles jouent habituellement le même rôle que les flics, sans en avoir la tenue. C’est en cela qu’elles disposent d’une grande liberté d’action : officiellement, elles ne travaillent pas pour l’Etat. Comme le remarque Noam Chomsky, « tout gouvernement a besoin d’effrayer sa population » [26]. On comprend donc l’intérêt qu’ont les partis qui se succèdent au pouvoir à soutenir, plus ou moins discrètement, les racailles. Ainsi, lorsque des racailles ont tenté de briser par la violence les mouvements sociaux contre la loi Fillon ou contre la loi dite « pour l’égalité des chances », à peu près aucune d’entre elles n’a été arrêtée [27]. Dans le meilleurs des cas, les flics restaient impassibles ; la plupart du temps, ils arrêtaient, parfois au hasard, des manifestants [28]. Quand flics et racailles se répartissent les tâches répressives, Sarkozy, lui, supervise les opérations.   

            Malgré ses incessantes vantardises quant aux résultats qu’il aurait obtenus en matière de sécurité [29], Sarkozy a bien du mal à cacher les nombreuses preuves de son alliance et de sa solidarité profondes avec les racailles. Le ministre de l’Intérieur veut faire passer les quelques divergences  – locales et purement spectaculaires – qu’il a avec les racailles comme la preuve qu’il est le pire ennemi de celles-ci. Pourtant, les racailles peuvent compter sur Sarkozy pour les prévenir à l’avance des interventions policières, comme ce fut le cas en juin 2005 à La Courneuve.

           

            L’épisode des « émeutes » d’octobre-novembre 2005 prouve que le ministre de l’Intérieur n’a en rien mis fin au phénomène couramment désigné par le vocable d’ « insécurité ». Là où les caciques du PS affirment que Sarkozy a échoué dans sa mission (à savoir, en finir avec l’insécurité), les esprits lucides comprendront que le ministre de l’Intérieur ne souhaite en aucun cas faire disparaître l’insécurité. Ce sont, en effet, les classes populaires qui en sont les principales victimes, et non pas la bourgeoisie dont est issu Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa. Et le président de l’UMP fait le calcul que, par dépit ou protestation, une partie de ces classes populaires victimes de l’insécurité se tournera vers des candidats réactionnaires aux prochaines élections [30]…, vers lui, par exemple. De surcroît, dans l’hypothèse (assurément surréaliste) où l’insécurité aurait disparu avant 2007, la campagne électorale devrait se faire sur un autre thème ; bref, Sarkozy n’aurait aucune chance de l’emporter.

            Du point de vue bourgeois de Nicolas Sarkozy, les « émeutes » d’octobre-novembre 2005 ont été une excellente chose : elles ont servi de prétexte au vote de la très réactionnaire LEC ainsi qu’à l’instauration de l’état d’urgence. Ces évènements ont, de plus, mis en lumière la faillite quasi-complète de la « gauche », frayant ainsi la voie au ministre de l’Intérieur. Il n’y a pas eu la moindre surprise du côté du Parti Socialiste : se comportant en hommes politiques « responsables », c’est-à-dire aux ordres de la bourgeoisie, ses leaders ont profité de l’aubaine que représentaient ces « émeutes » pour condamner entièrement la violence. Ce genre de condamnation absolue, sans considérations de classe, a dû beaucoup plaire à la bourgeoisie. A la gauche du PS, la LCR (L.“C.”“R.”), aveuglée par un politiquement correct dont elle est coutumière, a joué un rôle qui lui va à merveille : celui d’idiot utile de la bourgeoisie. En effet, elle s’est empressée de voir dans ces « émeutes » une véritable révolte, certains allant jusqu’à encenser l’ « énergie » et la « radicalité (sic !!!) » de ce mouvement. On chercherait à pousser les classes populaires dans les bras de Sarkozy que l’on ne s’y prendrait pas autrement…

            « Quand on ne mène pas la guerre au véritable ennemi on le renforce. » C’est pourquoi, en dépit de leurs différences apparentes, les prises de positions du PS et celles de la LCR sont parfaitement concordantes. Le PS, en rejetant la violence dans son ensemble, défend en fait le statu quo, car ce rejet revient à demander aux exploités de renoncer à la plus sûre méthode dont ils disposent pour en finir avec le système capitaliste. La LCR, en soutenant des individus qui ont recours à la violence exclusivement là où résident les classes populaires – et, bien souvent, directement contre ces dernières – apporte sa caution à une frange réactionnaire du prolétariat traditionnellement alliée à la bourgeoisie, et jette ainsi le discrédit sur les idées révolutionnaires.

            Quant aux « émeutiers » d’octobre-novembre, ils ne constituaient pas un bloc monolithique et agissaient pour des motivations diverses : volonté de se tailler une place de choix dans le Spectacle, envie idiote de faire « mieux » (si l’on peut dire) que le quartier ou la commune voisine, et cætera. Les plus avertis d’entre eux ont peut-être intégré ce fait que, quoiqu’ils fassent, il y aura toujours un sociologue-de-gÔche pour justifier leurs actes. Malheureusement aussi, un certains nombre de ces « émeutiers » ont sincèrement cru que mettre à sac le quartier ou le ghetto dans lequel ils vivent était un moyen de nuire à Sarkozy.

 

            Le rapport qu’a le ministre de l’Intérieur à l’insécurité nous apparaît distinctement si l’on a à l’esprit cette réflexion d’Eric Werner : « On ne développe pas la société de surveillance pour lutter contre l’insécurité, on utilise au contraire l’insécurité comme prétexte pour justifier la société de surveillance. […] la justification de la société de surveillance est la lutte contre l’insécurité, mais c’est son échec même en tant qu’instrument de lutte contre l’insécurité qui fait qu’elle prospère en tant que société de surveillance. La société de surveillance n’est pas folle. Si le ressort même de la société de surveillance est l’insécurité, pourquoi la société de surveillance la combattrait-elle ? Ce que craignent les dirigeants, leur véritable hantise en fait, ce n’est pas l’insécurité, ce sont les réactions éventuelles des personnes face à l’insécurité [31]. »

 

 

 

 

 

Jusqu’où ira-t-il ?

 

            La soif de pouvoir de Sarkozy (« le pouvoir, c'est quelque chose qui m'a toujours intéressé » affirme-t-il) ne doit pas masquer le fait qu’il est surtout l’homme politique à qui la bourgeoisie a confié la responsabilité d’assujettir définitivement les classes populaires. Sarkozy admet d’ailleurs être investi d’une mission, lorsqu’il déclare : « Je dois gagner, non parce que je le veux, mais parce qu’il le faut. » Sarkozy le reconnaît implicitement, les enjeux sont considérables. Tous les coups sont permis dans les dix mois qui nous séparent des élections présidentielles (ce que démontre l’affaire Clearstream). Et le meilleur moyen de ne pas être pris au dépourvu si Sarkozy sort une de ses bottes secrètes, c’est de l’avoir prévu. La tâche est difficile, mais la connaissance de l’Histoire et une perception claire de l’actualité seront à même de nous aiguiller.

 

            La France contemporaine est couramment présentée comme une démocratie. Il convient donc de ne rappeler que des faits à l’origine desquels se trouve un régime  lui aussi  considéré comme démocratique. L’exemple d’Israël est édifiant : cet Etat a organisé des provocations antisémites au Maroc, par le biais d’agents sionistes [32]; de plus, le 23 juillet 1954, des terroristes travaillant pour le Mossad ont posé une bombe dans un cinéma d’Alexandrie, en Egypte (le dénommé Philip Natanson fut arrêté) [33]. A Milan, le 12 décembre 1969, l’Etat italien perpétra un attentat (passé à la postérité sous le nom d’attentat de la piazza Fontana) qui tua seize personnes [34]. Le 10 juillet 1985, un attentat commis par l’Etat français  coûta la vie à un photographe (Alain Mafart et Dominique Prieur, tous deux agents de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, furent arrêtés deux jours après cet acte terroriste) [35]. Voila de quoi sont capables les Etats bourgeois pour défendre leurs intérêts. Voila aussi le genre de stratagème auquel Sarkozy pourrait être tenté d’avoir recours pour assurer son élection. Ce serait d’autant plus simple pour lui qu’en tant que ministre de l’Intérieur, il a la Direction de la surveillance du territoire (DST), et d’autres Services, sous sa tutelle. Affaire à suivre…

 

            La démocratie bourgeoise n’a jamais été beaucoup plus que le droit de choisir ses oppresseurs. Mais, depuis quelques années, même cette forme amputée de démocratie n’est plus tolérée par les maîtres. En 2001, lors des élections présidentielles aux Etats-Unis, George W. Bush arrivait au pouvoir malgré la victoire de son rival démocrate Al Gore. En 2002, le peuple irlandais qui avait rejeté par referendum le traité de Nice fut contraint de voter une seconde fois : la première fois, il n’avait pas opté pour la seule réponse acceptable. En 2003, l’Espagne interdisait le parti indépendantiste basque Batasuna : des  membres de ce parti, croyant naïvement à la liberté d’expression, s’étaient crus autorisés à afficher leur sympathie pour l’ETA. En 2004, l’administration Bush faisait élire « démocratiquement », c’est-à-dire avec 96,3% des voix, un président géorgien à sa botte. Toujours en 2004, lors des élections présidentielles ukrainiennes, un second deuxième tour a du se tenir : les Ukrainiens avaient eu l’idée saugrenue de ne pas élire le candidat favori de Washington. En 2005, suite au camouflet infligé à la dictature européiste lors des referendum en France et aux Pays-Bas, les referendum prévus dans d’autres Etats membres ont été reportés sine die : le risque d’un vote négatif était trop important, maintenant que deux peuples avaient montré la voie… Cette même année, lors des élections fédérales allemandes, les verts, les sociaux-démocrates du SPD et les staliniens et altermondialistes regroupés dans le Linkspartei obtiennent plus de 51% des voix… mais, estimant que la droite est plus compétente pour appliquer le programme suicidaire dicté par la bourgeoisie, ils laissent le poste de chancelier à la leader de la coalition de droite, Angela Merkel. Actuellement, Israël, l’Union Européenne et les Etats-Unis tentent d’asphyxier économiquement le peuple palestinien : celui-ci a eu le tort de préférer les islamistes du Hamas aux dirigeants corrompus et collabos du Fatah.  Lors des élections sénatoriales italiennes d’avril dernier, l’ « Union » du très réactionnaire Romano Prodi a obtenu la majorité des sièges, alors que la « Maison des Libertés » du non moins réactionnaire Silvio Berlusconi a obtenu plus de 50,2% des suffrages. Fraude électorale, vote jusqu’à l’obtention du résultat attendu, règles électorales iniques… sont des procédés qu’il faut s’attendre à voir de plus en plus souvent utilisés par la bourgeoisie dans les années à venir. Pour l’instant, en France, Sarkozy se « contente » de chercher à contrôler les medias. Mais, si le besoin s’en fait vraiment sentir, il n’y a pas la moindre raison de croire que le ministre de l’Intérieur reculera devant ce genre de procédés.

 

            Les méfaits passés et actuels de Sarkozy, la claque que serait son élection pour les classes populaires, ne doivent en aucun cas servir à redorer le blason du Parti Socialiste et de ses alliés de la gauche gouvernementale. Ni l’énarque bourgeoise et catholique Marie-Ségolène Royal ni aucun autre dirigeant du PS ne proposent autre chose que la stricte obéissance aux injonctions de la dictature européiste. Il est évident que Sarkozy doit être prioritairement combattu, parce que c’est son programme politique qui sert de référence aux autres politiciens aspirant à gouverner, parce que c’est essentiellement lui qui dispose de l’appui des medias bourgeois. Mais il est illusoire d’espérer échapper au sarkozysme par les urnes, puisque le sarkozysme, en tant que programme politique, est nécessaire à la bourgeoisie pour éteindre durablement tout risque de révolte contre le système capitaliste.

 

            N’importe quel bourgeois enragé ne pouvait devenir Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, mais une partie de Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa est contenue dans chaque bourgeois. Partant de là, le problème qui se pose est simple : les classes populaires ont des intérêts fondamentalement divergents de ceux de la bourgeoisie, c’est-à-dire de la classe sociale à qui profite le capitalisme. Et, n’en déplaise aux conciliateurs, ce problème est de ceux que ni les bulletins de vote ni aucune autre méthode non-violente ne sont à même de résoudre : sa seule solution réside dans la destruction de la machine d’Etat bourgeoise.

                                                      

 

 

 

 

 

 

[1] Le premier tour devrait se dérouler le 15 ou le 22 avril 2007.

 

[2] Voir Karl Marx, La question juive.

 

[3] Voir ce site, qui se veut un observatoire du communautarisme.

 

[4] Sur et contre la religion, on ne saurait trop conseiller la lecture du quatorzième communiqué de Rapaces, ainsi que la visite des sites suivants : http://atheisme.free.fr/, http://www.atheisme.org/, http://librepenseefrance.ouvaton.org/. De Bertrand Russell, on lira avec profit Pourquoi je ne suis pas chrétien, Pauvert, collection « Libertés », 1960.

 

[5] Publié sous le titre La République, les religions, l’espérance, Pocket, 2005.

 

[6] P. 10. Précisons que, si Sarkozy est bien le ministre de l’Intérieur qui a mis en place ce CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), ses prédécesseurs à ce poste avaient également œuvré dans le sens d’une institutionnalisation de l’islam – institutionnalisation dont on ne peut que constater l’incompatibilité avec le caractère officiellement laïc de notre République. Ainsi, dès 1995, le mafioso Charles Pasqua a mis en place une « Coordination nationale des musulmans de France ».

 

[7] Il est notoire que l’UOIF, Union des Organisations Islamiques de France, défend des positions d’extrême-droite.

 

[8] La République, les religions, l’espérance, p. 19.

 

[9] Sur les questions relatives au sionisme et à la situation en Palestine, lire : Michel Warschawski, Sur la frontière, Hachette, coll. « Pluriel Actuel », 2004 ; et, du même auteur,   A tombeau ouvert. La crise de la société israélienne, La Fabrique, 2003 ; Israël-Palestine. Le défi binational, Textuel, coll. « La discorde », 2001 ; A contrechoeur. Les voix dissidentes en Israël, Textuel, coll. « La discorde », 2003 (dir. avec Michèle Sibony). Lire également Ralph Schoenman, L’histoire cachée du sionisme, SELIO, 1988. 

 

[10] Nicolas Sarkozy, Libre, Pocket, 2003, p. 387.

 

[11] L’American Jewish Committee est un groupe de pression visant à convaincre l’opinion publique américaine (voire au-delà) que toute critique de la politique menée par l’Etat sioniste est une marque d’antisémitisme.

 

[12] Rappelons que Roger Cukierman s’était réjoui de la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour des dernières élections présidentielles ; il y voyait « un message au musulmans » leur indiquant  « de se tenir tranquilles ». Il s’est également signalé en conseillant à Ariel Sharon, lors d’une visite en France de celui-ci, de « mettre en place un ministère de la Propagande, comme Goebbels (sic !!!)Le nazi Joseph Goebbels, le président du Front National Jean-Marie Le Pen… on voit de quel côté ce Cukierman, que Sarkozy semble tant apprécier, trouve son inspiration.

 

[13] Le Betar et la Ligue dite « de Défense Juive » sont deux groupes paramilitaires sionistes. Ces groupes d’extrême-droite pratiquent les ratonnades au faciès, sont foncièrement (mais sournoisement) hostiles aux valeurs de la République, et sont, à l’occasion, anti-Français.

 

[14] A titre d’exemple, on trouve en Israël plusieurs partis pour les Arabes, un parti pour les immigrants russes, un parti pour les séfarades pieux et un parti pour les retraités.

 

[15] Le religieux Sarkozy suggère ainsi aux cadres de l’Eglise en France de « susciter une grande réflexion sur la nécessité de construire des synagogues, des églises et des mosquées dans les banlieues » ; de surcroît, il estime qu’ « il manque des églises dans certaines banlieues de la Seine-Saint-Denis » (La République, les religions, l’espérance, p. 64 et 156).

 

[16] En témoigne sa rencontre en août 2004 avec l’acteur et fervent scientologue Tom Cruise.

 

[17] Libre, p. 99.

 

[18] La République, les religions, l’espérance, p. 190.

 

[19] La République, les religions, l’espérance, p. 71.

 

[20] France 2, émission « Cent minutes pour convaincre », 20 novembre 2003. Le script de cette émission est disponible ici. On imagine aisément le scandale qu’aurait provoqué un homme politique déclarant que « quand on est Juif, ça se lit sur sa figure ».

 

[21] Une République qui est pourtant, aujourd’hui, largement vidée de son contenu social – conséquence de près de 25 années de contre-réformes néolibérales, infligées aussi bien par le Parti Socialiste et ses partenaires que par la droite.

 

[22] Libre, p. 364.

 

[23] Concrètement, Sarkozy voulait laisser à Jacques Chirac et ses fidèles le soin de vanter les mérites du TCE, de façon à ne pas sortir affaibli d’une éventuelle victoire du non – victoire qui paraissait probable.

 

[24] Libre, p. 48.

 

[25] Libre, p. 73.

 

[26] Noam Chomsky, Comprendre le pouvoir, L’indispensable de Chomsky, Premier mouvement, Aden, 2005,  p. 32.

 

[27] En février-mars 2005, lors du mouvement contre la loi Fillon, les racailles sont parvenues à leurs fins. En revanche, en mars 2006, leurs exactions ont été sans effet notable, puisqu’elles n’ont pas empêché les manifestants de faire reculer, du moins sur un point, le gouvernement du bourgeois Dominique Galouzeau de Villepin. Sur l’utilité des racailles pour la défense du système capitaliste, lire cet article. Sur le rôle politique de la racaille, lire ceci.

 

[28] Par « manifestants», il faut comprendre les personnes dont le but était effectivement d’obtenir le retrait de la loi Fillon ou de la LEC. Cela n’implique pas que ces personnes n’aient eu recours qu’à des méthodes pacifiques. Voir, à ce sujet, cette utile mise au point intitulée « Il y a casseurs et casseurs ! ».

 

[29] Pour ne citer qu’un exemple, tiré de La République, les religions, l’espérance (p. 141) : « Si j’ai pu conduire la présence ferme de la police dans les banlieues sans provoquer de révolte, à qui croyez-vous que cela tenait ? Que disait-on il y a deux ans quand je suis arrivé au ministère de l’Intérieur ? ‘Il va jouer au superflic. Les banlieues vont s’embraser.’ Résultat : il n’y a pas eu de révolte et la criminalité a baissé sensiblement. » 

 

[30] Sarkozy tente là de s’inspirer de la stratégie du FN. Dans une confession publiée le 6 juin 2001 par Libération, Claude Hermant, un ancien membre apparemment repenti du Département Protection Sécurité (DPS, le service d’ordre du FN), expliquait en quoi consiste la tactique du FN : « J’ai commencé à travailler pour le DPS en 1994. [...]. En 1997, j’ai été contacté par Bernard Courcelle pour faire partie d’une structure spéciale. C’était un groupe composé de 30 à 60 personnes, chargé d’opérations clandestines en France ou à l’étranger, à la demande de pays alliés. Les membres de ce groupe spécial sont appelés les ‘fantômes’. Ils ont tous une formation militaire ou paramilitaire. [...] J’ai suivi une formation de 90 jours au siège du Front national. Ces cours, très techniques, nous étaient donnés par d’anciens fonctionnaires du renseignement. Ils portaient notamment sur l’infiltration et la manipulation de foule. Après cette formation, il m’a été demandé d’infiltrer des organisations telles que Ras l’Front [...]. Ras l’Front, SOS Racisme et Act Up étaient nos priorités. [...] Le second type de mission demandé aux ‘fantômes’ consiste à organiser la déstabilisation de certains quartiers ou des villes qui ne sont pas acquises aux idées du Front. Là encore, il faut infiltrer. Prendre contact avec des bandes. Inciter à la violence ou à la rébellion. [...] Dans un quartier, si vous mettez le feu à une voiture, dans l’heure qui suit, neuf fois sur dix, vous en avez quinze autres qui brûlent. [...] En faisant avancer l’insécurité, vous faites progresser l’électorat du Front. [...] Nous prenons nos ordres directement de Bernard Courcelle. C’est une structure à part. Entièrement autofinancée par Courcelle. Les ‘fantômes’ [...] reçoivent un salaire en liquide, des faux papiers et tous les moyens nécessaires à leurs opérations [...]. Pour payer un jeune pour mettre le bordel dans les quartiers ».

 

[31] Entretien accordé par Eric Werner, dans le n° 118 (automne 2005) de la revue Eléments. Dans ce même numéro, voir également les autres articles du dossier intitulé « nous sommes tous en liberté surveillée ».

 

[32] Voir Yakov M. Rabkin, Au nom de la Torah, Une histoire de l’opposition juive au sionisme, Les presses de l’université Laval, 2004, p. 231.

 

[33] Voir, par exemple, le Quid 2004, ainsi que Noam Chomsky, Pirates et empereurs, Le terrorisme international dans le monde contemporain, Fayard, 2003, p. 150.

 

[34] Lire Gianfranco Sanguinetti, Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie suivi de Preuves de l’inexistence de Censor par son auteur, Champ Libre, 1976.

 

[35] Sur Wikipedia, voir l’article consacré à l’affaire du Rainbow Warrior.

 

 

 

 

 

 

 

Annexes :

 

- Sarkozy tu fais pitié… Lettre ouverte au Premier ministre de l’Intérieur de la France (L’Organe)

 

- Le vrai Sarkozy (vidéo)

 

 

 

 

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