TAISEZ VOUS ! Glucksmann et BHL parlent…

 

           

           

« Ce qui est peut-être insolite chez les ‘intellectuels parisiens’, c’est que le fait de se contredire eux-mêmes ne les gêne même pas , du moment qu’ils marchent bien au pas . Je me demande s’il existe un seul autre endroit au monde où l’on accepterait que des gens se contredisent ainsi de façon flagrante et aussi immédiate. »

                                                 Noam Chomsky, Réponses inédites à mes détracteurs parisiens

 

 

 

« Pour Glucksmann, le partage du monde n’est pas moins clair. Eux – les terroristes – sont le mal , même si nous ne sommes pas tout à fait le bien . […] Le nihilisme, voilà l’ennemi de l’Occident, et pour le combattre, une seule solution, les B52 ! Après les ‘bombes humanitaires’ larguées sur la Yougoslavie, les ‘chasseurs antinihilistes’. Comme si le nihilisme n’était pas d’abord au cœur d’un monde occidental dont l’unique projet semble être de s’affranchir de toute limite. »  

[…]

            «Nous y sommes, certes, mais où ? Dans un monde sans ‘autre’, où pas une idée ne dépassera ? BHL cherche-t-il les mots définitifs, ceux qui rendront impossibles tout dialogue, toute confrontation intellectuelle, tout échange d’arguments, même vifs ? »

                                                                                         Elisabeth Lévy, Les Maîtres Censeurs

 

 

 

            Glucksmann et BHL, le choix effectué est quelque peu arbitraire, tant les philosophes-propagandistes ne manquent pas … mais, ces deux là sont, à certain égard , emblématiques . Intellectuels médiatiques  par excellence, BHL et son « ami Glucksmann », comme il l’appelle affectueusement, semblent prêts à tout pour passer à la télé. La grande classe étant évidemment de décrocher une invitation pour l’émission officielle de la « bien- pensance » , celle d’Ardisson … A défaut , André Glucksmann saura se contenter d’une pleine page dans Libé , Le Monde  ou autre torchon libéral-libertaire . Un récapitulatif de leurs trajectoires respectives  ne peut être que bénéfique. Il va de soi que l’on ne peut prétendre à l’exhaustivité tant leurs œuvres sont volumineuses. Il faut également prendre en compte le fait que les intellectuels médiatiques prennent grand soin de s’exprimer dans une langue incompréhensible (mélange de langage soutenu assaisonné de néologismes et de mots anglais prononcés avec un accent pathétique) du commun des mortels. Partant, un grand nombre de leurs propos nécessite un « décryptage » plus ou moins évident. Mais cessons d’épiloguer et lançons nous…

 

            BHL brille principalement … par ses incohérences. A l’actif de cet « humaniste » de « gauche », on peut notamment mettre la signature d’une pétition de soutien aux contras (adressée au Congrès des Etats-Unis). On sait tous que les  contras furent eux mêmes de grands « humanistes » de « gauche »…  En réalité, les milliers de cadavres de civils que les terroristes contras d’obédience fasciste laissèrent derrière eux au Nicaragua ne plaident pas du tout en leur faveur. Mais puisque l’erreur est humaine et qu’il ne faut pas émettre de jugements trop hâtifs, laissons à BHL le bénéfice du doute sur ce coup là. Il est intéressant de noter que ce philosophe médiatique n’hésite pas à réviser l’histoire du Proche-Orient à sa convenance. Ainsi, on peut entendre BHL déclarer sereinement que « le sionisme est la seule idéologie du XXème s. qui n'a pas produit de catastrophe ». La Naqba, la guerre des Six-Jours, les assassinats de terroristes palestiniens (jusqu’en Norvège !) qui n’en étaient en fait pas ,  l’invasion du Liban et quelques autres atrocités mises à part, BHL n’a pas tort. Ironiquement, BHL, qui n’a peur de rien, n’hésitera pas à qualifier de « révisionnistes » les opposants aux interventions américaines en ex-Yougoslavie. BHL s’est également spécialisé dans la dénonciation de « l’islamisme », en Algérie notamment. C’est donc fort logiquement qu’il soutiendra les généraux algériens dans leur lutte contre le terrorisme islamique … là où toute personne qui ne verse pas dans le manichéisme aurait compris qu’il n’y aucune obligation à prendre parti pour celui des deux fléaux qu’elle présume être le « moins pire ». Dans la panoplie des escroqueries intellectuelles qu’il tient à sa disposition, BHL a un petit faible pour celle qui consiste à faire l’amalgame entre islamisme et communisme, de sorte que s’insinue l’idée (ahurissante de stupidité) selon laquelle seul un fanatique religieux pourrait souhaiter la disparition de la société spectaculaire marchande. BHL, en sioniste convaincu, voit comme principale motivation de ceux qui critiquent la politique israélienne l’antisémitisme. Israël n’étant pas critiquable , Bernard-Henri Lévy se montrera donc fort peu loquace quant au soutien appuyé des dirigeants israéliens à Slobodan Milosevic , qui est pourtant l’incarnation du Mal sur Terre , selon notre philosophe . Silence également sur le soutien américain aux islamistes (locaux, wahhabites saoudiens ou chiites du Hezbollah) dans les Balkans puisque toute critique trop virulente de la politique menée par les Etats-Unis  n’est selon BHL qu’ « antiaméricanisme » … et de l’ « antiaméricanisme » au « fascisme » il n’y a qu’un pas.  Après décryptage, il semblerait que BHL se soit prononcé contre l’agression de la nation irakienne lancée en mars 2003, affirmation sujette à caution tant ses prises de positions étaient ambiguës. Pour parachever le tableau, notons que cet intellectuel médiatique se plaît à donner des leçons d’antifascisme… antifascisme de convenance à la sauce BHL qui , évidemment , ne fera jamais reculer le FN . Sans même parler du fait qu’un laudateur de Sharon et des contras n’est certainement pas le mieux placé pour donner des cours de combat contre l’extrême-droite…

 

           

           

« Le stalinien ‘inverti’ ou retourné continue à prêter à la Russie, passée pourtant dans le camp néo-libéral , une propension quasi congénitale à se situer dans le camp du mal . Du coup, chez un André Glucksmann par exemple, le nihiliste islamiste , figure du diable par excellence , est absous quand il se bat contre les Russes. »

                             Jean-François Kahn, Le camp de la guerre, Critique de la déraison impure

 

 

 

 

Dans ses grandes lignes, le discours de Glucksmann est similaire à celui de BHL, avec, là aussi, une tendance lourde à verser dans le raisonnement stalinien ….  Quoi de plus normal pour un ancien militant au PCF ? Le grand combat du sieur Glucksmann est  celui du peuple tchétchène qui lutte pour se libérer de l’occupant russe. A priori, il n’y a rien à y redire tant les pratiques des soldats russes en Tchétchénie sont ignobles, mais il est toutefois permis de penser que le manichéisme de Glucksmann confine au ridicule. Ainsi, ce stal’ qui, il y a quelque décennies, fermait les yeux sur la déportation de peuples entiers (dont les Tchétchènes) par Staline est quasiment incapable d’admettre que des Tchétchènes puissent commettre des actes terroristes. Il s’agit forcément, selon lui, d’ «attentats bidons » orchestrés par le FSB . Nul doute pourtant que si un de ses contradicteurs décrivait les actes terroristes du 11 septembre 2001 comme des « attentats bidons » commandités par la CIA, Glucksmann crierait à l’antiaméricanisme , voire à l’antisémitisme . Ce sharonien militant a notamment approuvé la construction du Mur de la honte en Palestine. Notons tout de même que André Glucksmann sait se montrer critique à l’égard d’Israël… il reproche aux dirigeants israéliens de ne pas soutenir les Tchétchènes ! En bref et pour plagier Golda Meir, pour André Glucksmann,  « les Palestiniens n’existent pas ». En adepte des raisonnements staliniens, André Glucksmann a sorti récemment trois livres sur un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : le combat planétaire entre le Bien et le Mal. Ces pitoyables écrits font suite à sa conversion au bushisme à l’approche de l’automne 2001… que cette conversion au bushisme ait eu lieu exactement le 11 septembre 2001 ne relève que de la plus pure coïncidence , évidemment ! A en croire André Glucksmann, les communistes, les fascistes et les islamistes - ses principaux ennemis officiels - seraient animés par une même volonté nihiliste. Reste à savoir quelle signification donner à cette affirmation lorsqu’elle provient d’un stalinien qui fait aujourd’hui l’éloge des combattants islamistes en Tchétchénie comme il encensait hier les contras au Nicaragua… 

 

 

 

 

 

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